Cappella Mediteranea

20ans
ensemble

Vingt ans, et pourtant tout est allé très vite. De rencontres en collaborations, de découvertes en succès. À l’origine, un claviériste argentin débarqué au Conservatoire de Genève en 1997 pour venir tout apprendre de Bach. Les affinités naturelles avec l’ensemble Elyma de son compatriote Gabriel Garrido et la confiance de soutiens visionnaires, notamment du Festival d’Ambronay, offrent les premières opportunités de concert et d’enregistrement. Ce qui n’est encore qu’une utopie s’improvise en un frêle esquif, un peu bricolé mais étanche, baptisé Cappella Mediterranea. Un continuo, quelques instrumentistes, la voix au centre.

Leonardo García-Alarcón donne le cap depuis le clavier, engage un périple où l’on chantera les musiques baroques, de préférence de langues latines. Où l’on sondera les abysses pour débusquer des trésors enfouis. Où l’on reliera les mers entre elles pour inspirer le dialogue et renouer des filiations. L’équipage passionné de la première heure s’étoffe en une communauté artistique, amicale et humaine, qui toujours allant de l’avant jamais n’oublie ses racines. Vingt ans ensemble, ce sont des liens inspirants tissés entre artistes et la création d’une relation forte avec le public. Le frêle esquif, devenu solide trois-mâts, a sérieusement augmenté sa voilure.

En résonance avec notre saison anniversaire 2025-2026, nous vous invitons à rejoindre l’aventure collective, à mesurer la richesse du chemin parcouru, la dynamique singulière de notre Méditerranée recomposée, et à pointer de nouveaux horizons. Photo repère, photo mémoire, photo témoignage, photo dérobée. Les textes qui les accompagnent, carnet de bord imaginaire d’un récit, lui, bien réel, croisent de façon non chronologique archives officielles et mémoires personnelles. Une manière de partager vingt ans de notre Cappella Mediterranea toujours vitalisée par son exigence artistique, le renouveau des répertoires, les synergies et l’échange. Fidèle à sa boussole.

 

Ce parcours en ligne reprend les éléments – enrichis de contenus textuels, audio et vidéo – d’une exposition photographique itinérante visible de septembre 2025 à août 2026 dans différents lieux de concert de notre saison anniversaire.

Pour circuler dans l’exposition numérique, nous vous invitons à faire défiler votre écran vers le haut. Vous pouvez également accéder directement au chapitre souhaité en cliquant sur les onglets ci-dessous.

La beauté du geste

« Je suis toujours en recherche du mouvement, d’un élément qui puisse prolonger le geste de la musique et de sa vitalité rythmique. La danse est une alliée précieuse », confie Leonardo García-Alarcón. Naturellement acquise au rythme par ses racines argentines et sa fréquentation de la musique baroque, Cappella Mediterranea concentre la beauté du geste musical et du geste dansé. Avec en creux le vœu de renouer un répertoire à sa dimension scénique et à la création chorégraphique.

Là où chanteuses et chanteurs tendent à donner corps à leur voix, Bintou Dembélé cherche « une manière d’incarner le geste à travers la voix des solistes ». Dans cette déclinaison pour le concert de l’opéra de Rameau qui embrasait l’Opéra Bastille en 2019, la proposition rêvée par la chorégraphe d’origine hip-hop et Leonardo García-Alarcón repense le rapport au chant, aux corps et aux codes de l’opéra-ballet baroque. S’ouvre alors un large espace de liberté, né d’une pulsation commune, où s’élaborent d’un seul geste musique et danse.

Structure Rualité, le Chœur de Chambre de Namur, Cappella Mediterranea et Leonardo García-Alarcón dans le chœur « Bannissons nos tristes alarmes » du concert chorégraphié intitulé Les Indes galantes – De la voix des âmes, The Grange Festival, Northington, 30 juin 2025

Carnet de bord

Octobre 2019, Paris — Nous sommes invités à fêter les 30 ans de l’Opéra Bastille avec un opéra baroque. Une première pour l’institution parisienne, un défi terriblement excitant pour nous. Leonardo García-Alarcón a décidé de le relever avec Les Indes galantes de Rameau, un ouvrage qui l’imprègne de longue date, entendu dans son Argentine natale dirigé par William Christie, puis interprété depuis le continuo en 2003 avec ses premiers partenaires en Europe, l’ensemble Elyma et Gabriel Garrido.

La proposition de Stéphane Lissner l’associe à Bintou Dembélé, l’une des Mariannes noires du film de Mame-Fatou Niang et Kaytie Nielsen, sa Structure Rualité et le plasticien et réalisateur Clément Cogitore. Leur Danse du grand calumet de la paix diffusée en 2017 sur la 3e Scène de l’Opéra national de Paris augurait d’une version longue court-circuitant elle aussi les codes. Cette relecture du « ballet héroïque » de 1735 composé à la gloire des comptoirs coloniaux lui fait ravaler sa légèreté de vainqueur. Immense succès public !

Archive | « Forêts paisibles », Les Indes galantes de Rameau à l’Opéra Bastille en 2019

Carnet de bord

Juin 2025, Northington — Leonardo et Bintou prolongent leur rencontre de 2019. Les Indes galantes a fait vibrer du commun, des racines reçues en héritage par le chef argentin et la chorégraphe française d’origine sénégalaise. Il restait à dire, hors de la scène lyrique, dans la forme du concert chorégraphié. Structure Rualité, le Chœur de Chambre de Namur et Cappella Mediterranea, jusqu’à l’ombre de la regrettée Jodie Devos qui aurait dû en être, libèrent « la voix des âmes » et réaffirment nos convictions : favoriser le dialogue entre les expressions artistiques, partager l’émotion de la scène et « réinventer ce rapport au baroque pour en faire quelque chose d’intemporel ». De vivant.

À l’heure des saluts, la volée de sourires et de paires de mains rassemble coulisses, fosse et plateau, redisant combien l’opéra est une aventure festive et collective. Le chorégraphe Angelin Preljocaj signe avec cet Atys sa première mise en scène d’opéra et propose une articulation intime du chant et de la danse. Au cœur de cette respiration continue, dont un film garde trace, les instrumentistes et solistes de Cappella Mediterranea confirment leur virtuosité à raviver la langue maternelle de l’opéra-ballet.

(DE GAUCHE À DROITE) Giuseppina Bridelli, Prune Nourry, Rodrigo Calveyra, Marie Van Rhijn, Angelin Preljocaj, Jeanne Vicérial, Leonardo García-Alarcón, Matthew Newlin, Ana Quintans, Sammy Van den Heuvel, Michael Mofidian, Marion Moinet et Lore Binon à l’issue de la première représentation d’Atys de Lully, Grand Théâtre de Genève, 27 février 2022

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Février 2022, Genève — Les Indes galantes a ouvert une porte en 2019. Le Grand Théâtre de Genève, doté de son propre ballet et hôte régulier depuis un Alcina de Haendel en 2016, semble vouloir multiplier les rendez-vous avec la création chorégraphique. Leonardo García-Alarcón et Angelin Preljocaj sont réunis pour croiser leurs regards sur Lully, un compositeur avec qui notre chef a resserré les liens grâce à ses grand motets spacialisés il y a quatre ans au Festival de Saint-Denis, emmenés en tournée puis enregistrés¹. Atys couronne leurs heureuses retrouvailles.

Nous savons, nous, combien la vie de Leonardo tourne autour de la danse. Un grand-père paternel chanteur et danseur de tango, une sœur danseuse étoile. Dès sa première scène à Aix-en-Provence, en 2011, il était associé au chorégraphe Saburo Teshigawara. Il ne le savait pas encore, mais ce n’était que le début de collaborations qui nous entraîneraient avec lui. Ici, souligne-t-il, Angelin Preljocaj « donne aux chanteurs comme aux danseurs un mouvement naturel du geste qui influence jusqu’à leur diction ». Il le sent incarner, comme « ses prédécesseurs chorégraphes de l’époque de Lully, l’esprit français de la danse et du ballet ».

L’esprit, mais la lettre ? Nous assumons pleinement notre distribution non française : Matthew Newlin, Giuseppina Bridelli, Ana Quintans et Andreas Wolf sont de magnifiques premiers rôles, épaulés du Chœur et du Ballet du Grand Théâtre pour la création genevoise.

1 CD Alpha Classics, 2018

Archive | Leonardo García-Alarcón, Matthew Newlin et Giuseppina Bridelli en répétition d’Atys à Genève en 2022

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Avril 2025, Genève — Atys affleure à nos mémoires avec la parution des disques et du DVD de notre production filmée lors de sa création versaillaise en mars 2022 puis enregistrée à Namur un an plus tard².

2 CD et DVD Château de Versailles Spectacles, 2025

Avant d’arriver à l’harmonie de la première représentation, l’opéra se nourrit d’un travail fragmenté mûri en arrière-scène, temps de répétition et de complicités artistiques invisibles au regard du spectateur. C’est là que s’y soignent les détails, que s’y entame le chemin vers la lumière. La soprano Giulia Semenzato, qui partage aussi la saga familiale I Grotteschi de Cappella Mediterranea, est l’Ilia de cet Idomeneo raccordé à la tragédie antique par la mise en scène de Sidi Larbi Cherkaoui et les structures textiles de Chiharu Shiota.

Giulia Semenzato et Leonardo García-Alarcón en répétition d’Idomeneo, rè di Creta de Mozart, Grand Théâtre de Genève, 12 février 2024

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Février 2024, Genève — « Avec la main, je peux tout faire. Je peux toujours y revenir comme à l’essentiel. » Ce credo de Sidi Larbi Cherkaoui pourrait aussi être celui de Leonardo García-Alarcón, qui souvent nous dirige à mains nues, partagées avec le clavier de l’orgue ou du clavecin, donnant l’impulsion au corps plus qu’à la baguette. Le danseur et chorégraphe belgo-marocain, marqué par son « rapport naturel au chant comme s’il était une part de la danse », partage aussi avec nous cet appétit de décloisonnement des cultures et des traditions, cette ouverture sur le monde inspirante et ce goût de l’apprentissage de l’autre.

Idomeneo, rè di Creta s’est construit dans cet enrichissement mutuel. Grâce à une nouvelle invitation du Grand Théâtre de Genève et de son directeur Aviel Cahn, après Atys de Lully et avant Castor et Pollux de Rameau en 2026 avec Edward Clug. Premier opéra de Mozart pour nous ! Et c’est encore avec un chorégraphe, Sidi Larbi Cherkaoui ici à domicile avec le ballet dont il est directeur depuis 2022, que nous nous sommes embarqués dans l’aventure pour raviver les oxymores de la tragédie.

L’Orchestre de Chambre de Genève a intégré nos rangs pour l’occasion. Et une distribution de haute volée embrasse, par le chant mais aussi par le corps, la large gamme émotionnelle de ces destins foudroyés par l’amour ou par les dieux : Bernard Richter en Idomeneo, Lea Desandre en Idamante, Giulia Semenzato en Ilia, Federica Lombardi en Elettra et Omar Mancini en Arbace.

Archive | Présentation de la production par Chiharu Shiota et Sidi Larbi Cherkaoui à Genève en 2024

Le lien tissé par Leonardo García-Alarcón avec la chorégraphe allemande autour d’un Orfeo de Monteverdi s’étoffe en 2024 d’une production affranchie de l’opéra, audacieuse pour l’oratorio. Cette Passion selon Sasha Waltz et Cappella Mediterranea, retable vivant aux panneaux monumentaux, s’anime d’une polyphonie serrée entre solistes, choristes, instrumentistes, danseuses et danseurs. Trois cents ans après sa composition, le chef-d’œuvre de Bach, inscrit dans l’empreinte des mots, des corps et des notes, débordant volontiers du cadre, gagne un relief inédit.

Sasha Waltz & Guests, Alfia Bakieva et Yves Ytier (VIOLONS) dans l’arioso « Betrachte, meine Seele » de la Johannes-Passion de Bach, Festival de Pâques de Salzbourg, 22 mars 2024

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Mars 2024, Salzbourg — La Passion selon saint Jean chorégraphiée par Sasha Waltz à la demande de Leonardo García-Alarcón pour et avec Cappella Mediterranea, le Chœur de Chambre de Namur et le Chœur de l’Opéra de Dijon vient enrichir un compagnonnage de longue date avec Bach : référence suprême de notre chef organiste imprégné des visions pionnières de Gustav Leonhardt, Frans Brüggen, Nikolaus Harnoncourt ou Ton Koopman, ressource musicale, dramatique et chorale inépuisable pour nous en même temps que point de rencontre avec des collaborateurs d’exception, sa musique pointille chacune de nos saisons.

Première Messe en si mineur au Festival Bach de Lausanne en 2017, reprise l’année suivante à Dijon et à Versailles, Passion selon saint Matthieu spatialisée à La Seine Musicale à Boulogne-Billancourt et à l’Opéra de Dijon en 2022. C’est elle encore que Leonardo dirige en avril 2026 à Rotterdam, retrouvant des solistes qui nous sont chers comme Sophie Junker et Mark Milhofer.

Née de l’engagement fort de l’Opéra de Dijon qui a accueilli sa création, cette Saint Jean partagée ici à Salzbourg avec Sophie, Mark, mais encore Valerio Contaldo, Georg Nigl, Christian Immler et Benno Schachtner, est envisagée comme une œuvre d’art totale, sans distinction entre musique, danse et texte. Elle nous ramène aux sources de l’opéra.

Chapeau bas pour notre chœur namurois, largement mobilisé pour la danse et les parties solistes.

Archive | Présentation de la production par Sasha Waltz et Leonardo García-Alarcón pour la première à Dijon en mars 2024

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Novembre 2024, Paris — Hier soir, notre Saint Jean a divisé le public du Théâtre des Champs-Élysées, ravivant l’âme du lieu marqué de grands scandales musicaux du XXᵉ siècle. Un instant, nous nous sommes crus renvoyés à la création du Sacre du printemps de Stravinsky, le 29 mai 1913

Aux racines latines

Dès sa création, Cappella Mediterranea propose de relire l’Europe baroque dans sa verticalité, de la Flandre aux péninsules italienne et espagnole, revendiquant une latinité sans frontières inscrite dans la dynamique de l’histoire et des géographies. Croisant les sources, traçant les filiations, tricotant les langues, dilatant le centre de gravité de sa Méditerranée jusqu’en Argentine. Au cœur, Monteverdi, inspirant, inépuisable, une nécessité vitale pour l’ensemble.

Cecilia et Donna Isabella, l’une sicilienne l’autre espagnole, trahies par le même homme. À l’amour à la mort. Par-delà le duel qui les met dos à dos, cette miniature, imaginée à la manière d’un pasticcio pour une Cappella Mediterranea resserrée, vibre des couleurs chaudes et de la nature ardente de l’Italie méridionale et de l’Espagne baroques. L’ensemble se ressource régulièrement en concert à ce programme créé à Ambronay en 2014, dont la porosité entre musiques savantes et populaires ne cesse d’être inspirante.

(DE FACE) Ana Vieira Leite, (DE DOS) Mariana Flores et Cappella Mediterranea dans Amore siciliano, Namur Concert Hall – Grand Manège, 19 octobre 2022

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Septembre 2014, Ambronay — Aussi emblématique de Cappella Mediterranea que les voix d’Ana Vieira Leite, Mariana Flores, Léo Fernique, Valerio Contaldo ou Matteo Bellotto qui le chantent, le programme Amore siciliano est né d’un après-concert : Francesca Aspromonte avait entonné des airs calabrais, siciliens et napolitains de son enfance, nous l’avions spontanément accompagnée. Ainsi a surgi l’envie de relier ces chansons populaires de l’Italie du Sud à des madrigaux de Scarlatti et D’India.

Chants exhumés du fonds de la cathédrale Saint-Jean de Malte, arrangements de notre guitariste Quito Gato, couleurs enivrantes et dynamique contagieuse : Amore siciliano est le portrait en musique de cette Méditerranée composite et méconnue, faite d’écritures savantes et de traditions orales, profondément inscrite dans nos gènes avant même que nous prenions le nom de Cappella Mediterranea. En 2000, à la Fondation Gulbenkian de Lisbonne, Leonardo García-Alarcón révélait déjà avec quelques-uns d’entre nous des pages de David Perez, un Napolitain lié à la cour de Lisbonne. En 2003, il rapprochait des musiques du Mexique et du sud de l’Espagne, présageant déjà de Carmina latina¹, enregistré en 2012.

1 CD Ricercar, 2013

Archive | La Tarantella de Diego Fernandez de Huete à Ambronay en 2014

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Octobre 2022, Namur — Nous venons de finir l’enregistrement d’Amore siciliano² au Grand Manège. Mariana Flores et Quito Gato enchaînent avec Alfonsina³, élaboré en duo à partir de chansons argentines du XXᵉ siècle. L’album De vez en cuando la vida, croisant Joan Manuel Serrat et le Siècle d’or espagnol, est devenu le programme de concert Mediterráneo. Trois nouveaux témoignages du métissage latin, du croisement des héritages et de la régénération des sources qui nous inspirent et trouvent un bel écho dans nos collaborations avec le label Alpha Classics.

2 CD Alpha Classics, 2024 | 3 CD Alpha Classics, 2023 | 4 CD Alpha Classics, 2018

Archive | La Bomba, du programme Mediterráneo, à Maguelone en 2019

« Retrouver régulièrement Monteverdi à travers L’Orfeo s’apparente toujours à une cure de jouvence », s’émerveille Leonardo García-Alarcón. Cappella Mediterranea a fait de l’ouvrage l’astre immortel de sa constellation de répertoires, de son esthétique luxuriante, de sa dynamique au cœur battant. Son compagnonnage avec l’œuvre fétiche, enregistrée en 2020 et ici spacialisée par la mise en scène de Jean Bellorini pour le fidèle Festival de Saint-Denis, l’invite parmi les interprètes montéverdiens de référence.

(À GAUCHE) Amélie Renglet, Matteo Bellotto, Leandro Marziotte, (AU CENTRE) Francesca Aspromonte, Valerio Contaldo, Leonardo García-Alarcón, (À DROITE) Alessandro Giangrande, Nicholas Scott, le Chœur de Chambre de Namur et Cappella Mediterranea dans L’Orfeo de Monteverdi, Festival de Saint-Denis, basilique-cathédrale, 20 juin 2017

Carnet de bord

Février 2025, Valence — On ne compte plus, en vingt ans, les Orfeo qui ont réuni nos forces vives, Valerio Contaldo en demi-dieu, Mariana Flores ou Francesca Aspromonte en Euridice et La Musica, Guiseppina Bridelli, Anna Reinhold, Julie Roset, Ana Quintans, Edward Grint, Alejandro Meerapfel, Salvo Vitale, Andreas Wolf, Alessandro Giangrande, Matteo Bellotto, Nicholas Scott, Leandro Marziotte et le Chœur de Chambre de Namur. Les citer nous rappelle la riche année 2017 commémorant les 450 ans du compositeur, notre tournée en Amérique du Sud, l’enregistrement¹, les versions de concert et les mises en espace multipliées en France, en Belgique, en Allemagne, en Espagne et au Canada. Ce printemps 2026, à la Philharmonie de Paris et à la Philharmonie de Hambourg.

Leonardo García-Alarcón a apprivoisé Monteverdi au contact de Gabriel Garrido, à Genève. Avec lui, il a découvert dès 1997 une musique sculptée à même les émotions et l’élasticité de la langue italienne, apothéose de la Renaissance en même temps qu’ouverture sur un monde d’éloquence amené à bouleverser le chant. Et ses certitudes.

Monteverdi sera une épiphanie, un prisme, une ligne de force – un ami, un confident pour Leonardo. Dès 2006, notre première production d’envergure, à Porrentruy, serait consacrée à sa Selva morale e spirituale. Nous la relirions dix ans plus tard à l’aune des madrigaux dans le premier opus de notre discographie Alpha Classics, I 7 peccati capitali², ouvrant une collaboration et des échanges fructueux avec Didier Martin. Monteverdi deviendra non seulement le cœur de notre répertoire mais aussi l’amorce de multiples chemins de correspondances entre Renaissance et XVII siècle, polyphonieS franco-flamande et italienne. Combien de filiations éclairées grâce à lui depuis vingt ans, par-delà les frontières ?

1 CD Alpha Classics, 2021 | 2 CD Alpha Classics, 2016

Archive | L’Orfeo de Monteverdi donné à guichets fermés à Saint-Denis en 2017

Hôte familière de Cappella Mediterranea, la Maison de la Radio et de la Musique parisienne aime accueillir l’ensemble et son chef dans des programmes dont eux seuls ont le secret, mais aussi pour des collaborations avec les forces vives de la Maison Ronde, chœurs et orchestre philharmonique. Cappella Mediterranea retrouve ici une distribution montéverdienne qui lui est chère, son chœur namurois attitré et la Maîtrise de Radio France dans un dispositif aux vastes possibilités sonores.

Mariana Flores, Gwendoline Blondeel, David Sagastume, Valerio Contaldo, Mathias Vidal, Alejandro Meerapfel, Salvo Vitale, le Chœur de chambre de Namur, la Maîtrise de Radio France, Cappella Mediterranea et Leonardo García-Alarcón dans les Vespro della Beata Vergine de Monteverdi, Maison de la Radio et de la Musique, auditorium, Paris, 17 octobre 2021

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Octobre 2021, Paris — La Maison de la Radio et de la Musique de Paris nous ouvre à nouveau son auditorium. Une fidélité, une considération et un soutien qu’elle nous manifeste régulièrement depuis 2018 en accueillant des programmes aussi variés que Mediterráneo, Canto all’improviso ou Fiesta barroca partagé avec la Maîtrise de Radio France. Elle a également confié à notre chef, en mars dernier, la direction de son orchestre philharmonique pour un concert hommage à Piazzolla diffusé sur France Musique et la chaîne télévisée Arte, et pour une Passion selon saint Jean de Bach.

Ce soir, nous retrouvons les Vespro della Beata Vergine et nos solistes favoris des œuvres sacrées comme profanes de Monteverdi, Mariana Flores, Gwendoline Blondeel, David Sagastume, Valerio Contaldo, Mathias Vidal, Alejandro Meerapfel et Salvo Vitale, notre fidèle chœur namurois et la Maîtrise de Radio France. Le plaisir est intact, inlassablement ravivé par l’opulence et la lumière de cette grande fresque mosaïque, d’une puissance émotionnelle et d’une force dramatique rares – un de nos premiers enregistrements pour le label Ambronay Éditions¹. Nous ne sommes jamais tant stimulés qu’à donner souffle, relief et sensualité à la profusion des mouvements de l’âme.

1 CD Ambronay Éditions, 2014

Archive | Les Vespro della Beata Vergine de Monteverdi à la Maison de la Radio et de la Musique en 2021

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Août 2024, La Chaise-Dieu — Les Vespro rivalisent décidément avec L’Orfeo dans notre calendrier de concerts. Depuis 2021, et jusqu’à cette invitation par le Festival de La Chaise-Dieu, elles ont balisé chacune de nos saisons, de Massy à Vézelay, en passant par Metz, Versailles, Madrid, Lisbonne, Dortmund, Chantilly, Bourges, Reims, Namur, Bruxelles et Paris.

Avec Monteverdi, fréquenté en Suisse dès ses débuts, et Piazzolla, emblématique de ses racines argentines, Cappella Mediterranea ouvre un dialogue inédit et féconde son rêve de ritorno in patria. « Pays montéverdien par excellence, souligne Leonardo García-Alarcón, l’Argentine voit la recréation de L’incoronazione di Poppea à Buenos Aires au début du XX siècle avant même qu’il soit redécouvert en Europe. » C’est aussi l’époque de la naissance de Piazzolla, dont la musique, traversée d’émotions elle aussi, allait bouleverser le tango.

Diego Valentín Flores et William Sabatier dans le programme Monteverdi-Piazzolla, Festival baroque du Pays du mont Blanc, Espace Michel Croz – EMC2, Chamonix, 10 juillet 2023

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Juillet 2023, Chamonix — Plus encore qu’un rapprochement familial – Diego Valentín Flores frère de Mariana Flores, Leonardo García-Alarcón fils d’un chanteur et danseur de tango –, ce dialogue singulier entre Monteverdi et Piazzolla fut pour nous, dès sa création en 2009 au Festival d’Ambronay, un véritable chant de la terre. Nous l’avons défendu depuis sur de nombreuses scènes, avec émoi au Teatro Colón lors de notre tournée sud-américaine de 2017, avec gratitude lors du centenaire de la naissance du compositeur argentin en 2021. Toujours avec passion.

Quito Gato, dans le livret de notre enregistrement¹, en souligne l’importance. « J’ai ressenti comme un privilège la tâche qui consistait à établir un dialogue esthétique entre deux périodes si distantes l’une de l’autre en apparence, mais qui, en mon for intérieur, me semblent si proches. » Il est certain que Cappella Mediterranea joue et chante avec ce qu’elle est et d’où elle vient, sa dominante argentine, ce pays où musique populaire espagnole et madrigal italien travaillent les émotions avec une même intensité. Le partage de ce programme avec le public est de ce fait toujours particulièrement intime.

Écoute resserrée autour de la voix et du bandonéon, jeu polyvalent glissant des instruments modernes aux instruments anciens, Lamento della ninfa éclairé à la lueur de la Romance del diablo, univers sonore onirique, quasi surréaliste. Il fallait oser le piano et la guitare électrique avec le cornet à bouquin, la viole de gambe et l’épinette. Mais l’audace est un mot que nous avons toujours aimé : l’utopie y résonne, qui a enthousiasmé nos débuts et continue à nous enflammer.

1 CD Ambronay Éditions, 2012

Archive | La Balada para un loco de Piazzolla à Saint-Denis en 2021

Architecte italien, style croisé de néo-Renaissance italienne et de baroque français, inauguration en 1908 avec Aida de Verdi, le Teatro Colón de Buenos Aires témoigne de nœuds serrés entre l’Argentine et l’Italie. C’est dans sa salle mythique que Leonardo García-Alarcón entend, étudiant, celles et ceux qui vont nourrir son imaginaire et ses aspirations musicales. L’émotion est palpable en 2017, vingt ans après le départ du chef argentin pour Genève, lorsque Cappella Mediterranea y présente L’Orfeo de Monteverdi et Il diluvio universale de Falvetti.

Valerio Contaldo, Francesca Aspromonte, Mariana Flores, Giuseppina Bridelli, Konstantin Wolff, Anna Reinhold, Salvo Vitale, Carlo Vistoli, Nicholas Scott, Alessandro Giangrande, Matteo Bellotto, le Chœur de Chambre de Namur, Cappella Mediterranea et Leonardo García-Alarcón dans L’Orfeo de Monteverdi, Teatro Colón, Buenos Aires, 6 novembre 2017

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Octobre 2017, Buenos Aires — Enfin ! Nous y voilà ! Depuis quelques jours, nous sommes à Buenos Aires. Grand moment de retrouvailles pour bon nombre d’entre nous. Et hier soir, premier concert au Teatro Colón, salle mythique à l’acoustique enviée partout dans le monde, mais aussi intimement liée à la vocation de notre chef. Être à son tour sur cette scène qui accueillit celles et ceux qu’il admire tant, dans ce temple de l’opéra italien… Forte émotion ! Après L’Orfeo, que nous redonnons dimanche prochain à Rio de Janeiro puis à São Paulo, nous faisons découvrir au public porteño notre Diluvio universale de Falvetti porte-bonheur, programmé ensuite en Uruguay et au Brésil.

Tout nous sourit en cette année 2017 : nous poursuivons notre exhumation des opéras de Cavalli grâce à nos partenariats avec le Grand Théâtre de Genève et le Festival international d’art lyrique d’Aix-en Provence, nous entamons pour trois saisons une résidence à l’Opéra de Dijon avec à la clé la recréation d’El Prometeo de Draghi dès l’an prochain, l’année Monteverdi nous gâte et nos deux pépites de Falvetti nous ont déjà fait voyager à travers toute l’Europe. Sans compter la parution du récital intimiste de Mariana Flores, Lettera amorosa¹.

1 CD Ricercar, 2018

Archive | Enregistrement du Lamento della ninfa de Monteverdi pour l’album Lettera amorosa en 2017

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Novembre 2023, Buenos Aires — Après avoir été transformé en centre de dépistage durant la pandémie de covid, le Teatro Colón a repris son activité avec un florilège Monteverdi. Il prolonge son retour aux sources de l’opéra et nous invite, six ans après notre première tournée en Amérique latine, à venir y présenter I 7 peccati capitali. Gioia !

Les fruits de la découverte

Avec Cappella Mediterranea, les récoltes sont précoces, régulières, variées et généreuses : les fruits de la découverte sont des compositeurs et des répertoires réhabilités en cascade, mais aussi la reconnaissance et la fidélité des hauts lieux de la musique baroque et de l’art lyrique. Des rencontres toujours, avec des œuvres, des interprètes, des partenaires. Sur ces confiances inaltérables s’est épanouie une identité sonore, artistique et humaine à nulle autre pareille.

La géographie de Cappella Mediterranea ne s’en tient pas aux cartes – ou du moins sait en décrypter les secrets : l’ensemble éprouve fort la curiosité et le goût de défricher des répertoires inconnus, l’exigence et l’enthousiasme de les partager. S’il n’est pas son premier trésor exhumé, Il diluvio universale du Calabrais Falvetti, créé à Ambronay en 2010, enregistré avec le chœur namurois qui va dès lors devenir un partenaire privilégié, et donné plus de soixante fois en concert dans le monde, vaut à l’ensemble son premier grand succès public. Et révèle ses qualités d’éclaireur.

(DE GAUCHE À DROITE) Fabián Schofrin, Caroline Weynants, Magali Arnault, Mariana Flores, Evelyn Ramírez, Matteo Bellotto, Fernando Guimarães, le Chœur de Chambre de Namur, Cappella Mediterranea et Leonardo García-Alarcón dans le bis concluant Il diluvio universale de Falvetti, Festival d’Ambronay, abbatiale, 1er octobre 2011

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Octobre 2011, Ambronay — Quel coup de théâtre, à quelques encablures seulement de nos débuts ! Rappelé d’outre-tombe sur la scène il y a tout juste un an, Il diluvio universale de Falvetti continue de nous enchanter et est l’un des événements de cette édition du Festival d’Ambronay qui en a permis la résurrection. Grâce à lui, nous sommes partout attendus en dénicheurs de trésors, reconnus pour nos recherches passionnées, identifiés par notre esthétique. En bref, intronisés dans la nouvelle génération des recréateurs de répertoires baroques.

Il faut dire que l’oratorio de Falvetti concentre tout ce qui nous inspire : le parfum d’une Méditerranée aux portes de l’Orient, vive des cultures populaires et du cosmopolitisme de l’Italie méridionale du XVII siècle, la beauté secrète d’un manuscrit de 1682 retrouvé récemment en Sicile et réédité en 2002 par les soins de Nicolò Maccavino, une dimension théâtrale, des ressorts expressifs et une densité émotionnelle rares, mêlés d’une exubérance et d’un raffinement typiquement baroques. Ici, la Mort danse la tarentelle, le contre-ténor Fabián Schofrin qui l’incarne sait nous le rappeler avec humour. Fabián, co-fondateur et premier administrateur de notre Cappella Mediterranea.

La participation de Keyvan Chemirani, initiée par Isabelle Battioni à Ambronay, fut déterminante dans ce projet. Ses percussions typées vinrent compléter notre éventail d’instruments baroques et lui donnèrent un relief inédit. Cet instrumentarium mixte fut, plus qu’une valeur ajoutée, la grande vedette de notre production, et une révélation pour Leonardo : « Les percussions évoquaient pour moi la fête ou la guerre. Keyvan nous a amenés à la prière. »

Anecdote | Création du personnage de La Morte par Fabián Schofrin d’Il diluvio universale de Falvetti

Falvetti a changé la vie de Cappella Mediterranea. Parce qu’un second oratorio, Il dialogo del Nabucco, confirmant l’originalité d’un style agrégeant l’Orient à l’Occident, conduit à reconsidérer le baroque sicilien et achève d’introniser l’ensemble parmi les interprètes de référence des musiques baroques. Parce qu’il suscite aussi la rencontre avec Keyvan Chemirani, dont les percussions imprégnées des musiques orientales et méditerranéennes affectent la palette sonore et dynamique de l’ensemble de façon déterminante.

Keyvan Chemirani, Lucía Martín-Cartón, le Chœur de Chambre de Namur et Cappella Mediterranea dans Il dialogo del Nabucco de Falvetti, Namur Concert Hall – Grand Manège, 14 décembre 2024

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Décembre 2024, Namur — Reprendre Il dialogo del Nabucco à Namur – six mois après Il diluvio universale dans la même salle – a pour nous une portée symbolique et affective particulièrement forte. C’est avec ces deux dialoghi de Falvetti que nous avons scellé notre collaboration rapprochée avec le Chœur de Chambre de Namur. Leonardo García-Alarcón en fut nommé directeur artistique dès 2010 par Jean-Marie Marchal. Depuis, le chœur du Centre d’art vocal et de musique ancienne est de tous nos succès, et le Grand Manège qui l’abrite depuis 2021 est devenu pour nous un lieu d’accueil privilégié. Un peu comme chez nous.

Les deux enregistrements consacrés à Falvetti¹ sont les premiers que nous avons partagés avec le chœur namurois. S’ils gardent mémoire de cette formidable aventure qui nous a enthousiasmés pendant plusieurs années, ils venaient compléter notre discographie naissante et souligner notre approche déjà singulière de la Méditerranée. Par cercles concentriques, par ramifications.

Ainsi commençaient déjà à apparaître des courants invisibles, des circulations déjouant les classifications, enjambant les frontières. Monteverdi, Cavalli, Strozzi, Provenzale, Falvetti, et encore Romero² et Giorgi³, nos premières collaborations avec le label Ricercar, Sogno barocco avec Anne Sofie von Otter et le label naïve. Tous ces albums éclairaient le choix du méconnu Peter Philips, qui avait pu surprendre pour notre premier enregistrement. Et pourtant : un Anglais contemporain de Monteverdi, exilé en Flandre puis à Rome, et mort à Anvers. Les lignes étaient toutes tracées.

1 CD Ambronay Éditions, 2011 et 2013 | 2 CD Ricercar, 2010 | 3 CD Ricercar, 2011 | 4 CD naïve, 2012 | 5 CD Ambronay Éditions, 2008

Archive | Il dialogo del Nabucco de Falvetti à Versailles en 2014

Qui sont ces donne de Cavalli invoquées et ramenées aux oreilles d’aujourd’hui ? Des héroïnes d’opéra, qui offrent dès 2015 à la soprano argentine un éventail d’arie à la mesure de sa voix et de son tempérament. Mais ici deux compositrices du XVII siècle, Barbara Strozzi et Antonia Bembo, acquises à l’art de Monteverdi et formées par Cavalli, disciple devenu maestro à son tour à la basilique Saint-Marc de Venise et surtout à l’opéra. À explorer les ramifications, Cappella Mediterranea n’en finit pas de redécouvrir.

Mariana Flores dans le programme Le donne di Cavalli, Théâtre de la Monnaie, Bruxelles, 18 avril 2025

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Avril 2025, Bruxelles — Encore un programme bien-aimé. En lui résonnent la part féminine des répertoires que nous fréquentons depuis des années à partir de Cavalli, la soif de découverte et de réhabilitation qui nous anime et incite Leonardo García-Alarcón à visiter régulièrement fondations et bibliothèques, et les filiations qui ouvrent toujours plus large notre Méditerranée.

Barbara Strozzi et Antonia Bembo méritent d’être jouées et entendues aujourd’hui, c’est un fait, mais leur présence dans notre répertoire prend un sens plus fort encore dès que l’on sait qu’elles ont été formées par Cavalli, dieu de l’opéra vénitien, lui-même grandi dans la proximité de Monteverdi. Que Strozzi père était un poète connu en son temps, librettiste entre autres de Monteverdi. Que Bembo composa pour Louis XIV, dont elle requit la protection fuyant Venise et un époux violent, un Ercole amante sur un livret déjà mis en musique par Cavalli – ouvrage que nous recréons au printemps 2026 à l’Opéra Bastille à l’invitation d’Alexander Neef. Que quinze volumes de sa musique, dédiés à son royal protecteur, dorment à la Bibliothèque nationale de France.

Programme bien-aimé, certainement, aussi parce qu’il met en lumière l’essence si riche de notre continuo, notre cœur battant, notre gamme de couleurs primaires si l’on parlait d’un tableau, notre âme si l’on parlait d’un violon, d’où s’élèvent la voix de Mariana Flores, les flûtes et le cornet à bouquin, la viole parfois soliste.

Parce qu’il nous permit enfin de lutter contre la pandémie de covid en gardant le lien avec notre public, filmé en août 2020, église vide, au Festival de Sablé-sur-Sarthe et diffusé par France Télévisions.

Archive | Che si può fare de Strozzi à Sablé-sur-Sarthe en 2020

Cappella Mediterranea n’a pas 10 ans lorsque le Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence lui confie l’une des productions phares de son édition 2013, avec pour solistes la troupe de son académie européenne de musique. Connu de rares spécialistes, Elena dort depuis le XVII siècle. Jean-Yves Ruf en assumera la mise en scène. Cette recréation va cristalliser des affinités profondes entre Leonardo García-Alarcón, cavallien passionné depuis 2001, et le festival provençal, son académie et toute une génération de chanteuses et chanteurs alors émergents.

Emőke Baráth dans Elena de Cavalli, Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, Théâtre du Jeu de Paume, 11 juillet 2013

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Juillet 2013, Aix-en-Provence — Cavalli, c’est déjà une longue histoire pour Leonardo García-Alarcón. Michel Corboz, dont il accompagne l’Ensemble Vocal de Lausanne à ses débuts en Suisse mais aussi en Argentine, avait tôt éveillé sa curiosité. Gabriel Garrido et l’ensemble Elyma avaient ensuite chaperonné ses premières rencontres avec l’œuvre du maître vénitien. Depuis 2005, Cavalli revient sans cesse dans le voyage entrepris avec nous dans l’Italie du XVIIᵉ siècle. Il y a trois ans, le musicologue Jean-François Lattarico, guide essentiel dans cette aventure, lui a confié le livret d’Elena. Leonardo venait tout juste de prendre la direction artistique du Chœur de Chambre de Namur. Il ne restait plus qu’à se lancer, et c’est ce soir au Festival d’Aix-en-Provence, avec de jeunes solistes promis à un bel avenir.

« Car nous pensons tous deux que le baroque n’est pas seulement une époque de l’histoire de l’art, inscrit artificiellement entre deux courants esthétiques. C’est une cosmologie, une forma mentis, une manière non pas objective mais sans doute plus complète d’appréhender le monde… »
Jean-François Lattarico

Archive | Elena de Cavalli à Aix-en-Provence en 2013

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Septembre 2025, Bayreuth — Vingt-sept. C’est le nombre de manuscrits d’opéras de Cavalli conservés à Venise auxquels Leonardo a eu accès, dont ont découlé la recréation d’Elena¹ en 2013 et l’album Heroines of the Venetian Baroque² en 2015. Ce n’était que le début d’une relation fructueuse que nous allions nouer avec ce « Mozart du XVIIᵉ siècle », qui saurait exalter, selon les mots de Bernard Foccroulle, notre « sens du théâtre, de la fête et de la virtuosité ». Un génie prolixe sur trois décennies, qui fit de l’opéra vénitien un véritable spectacle de divertissement populaire.

Avec le recul, cette Elena aixoise nous donna une visibilité et une crédibilité exceptionnelles. Cavalli fut le sésame de notre entrée à l’Opéra national de Paris en 2016, au Grand Théâtre de Genève en 2017 et dans nombreux lieux dédiés à la musique baroque. Comme cet automne 2025 au Festival d’opéra baroque de Bayreuth, où nous avons donné une seconde vie à Pompeo Magno.

1 DVD Ricercar, 2013 | 2 CD Ricercar, 2015

 

La visibilité offerte par le premier succès aixois et la confiance confirmée par les directeurs du festival – Bernard Foccroulle pour Erismena, puis Pierre Audi pour une trilogie montéverdienne – ouvrent à Cappella Mediterranea les portes des temples de l’art lyrique. Les projets d’envergure se multiplient. Pour les mener à bien, l’ensemble s’appuie sur la force motrice de ses ressources humaines, répartissant les responsabilités, de la suppléance à la direction musicale, en passant par l’édition des manuscrits, le coaching vocal ou l’écriture des arrangements.

(DE GAUCHE À DROITE, PREMIER PLAN) Laurence Kilby, Maya Tripahy, Alex Rosen, Jacquelyn Stucker, Jake Arditti, Mariana Flores, Vincent Meyer, Leonardo García-Alarcón, Quito Gato, Silvia Corvalán, Cécile Delloye, (SECOND PLAN) Rodrigo Calveyra, Gustavo Gargiulo, Amandine Solano, Fabián Schofrin, Mónica Pustilnik, Claire Baudo, Jacopo Raffaele, Romain Labriet, Margaux Blanchard, Marie Bournisien et Orlando Valentín Flores pendant la production de L’incoronazione di Poppea de Monteverdi, Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, juillet 2022

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Juillet 2024, Aix-en-Provence — Clap de fin, avec Il ritorno d’Ulisse in patria, de notre trilogie commencée à Aix-en-Provence en 2022 avec L’incoronazione di Poppea et L’Orfeo. Après Cavalli, le festival a touché là deux autres de nos cordes sensibles : notre prédilection pour Monteverdi mais aussi notre proximité avec les chanteuses et chanteurs émergents, avec qui les collaborations sont toujours source d’enrichissement réciproque.

Bon nombre de celles et ceux avec qui nous avons fait nos premières productions continuent à nous accompagner, Julie Roset, Paul-Antoine Bénos-Djian, Alex Rosen, Valer Barna-Sabadus, Anna Reinhold, Francesca Aspromonte, Carlo Vistoli, Jakub Józef Orliński, Laurence Kilsby. Au générique de ce Ritorno d’Ulisse in patria de 2024 figurent également celles et ceux de Cappella Mediterranea qui assument de façon régulière désormais des responsabilités essentielles à la réussite de nos productions.

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Juillet 2025, Festival de Lanaudière, Canada — Qui dit faire revivre des répertoires baroques dit réflexion sur les sources et préparation appropriée pour les faire passer du manuscrit à la scène. Cappella Mediterranea se nourrit d’un projet animé en simultané collectivement et individuellement. Notre histoire s’écrit ainsi à plusieurs mains, dont celles du claviériste Ariel Rychter pour la transcription et l’édition des partitions, parfois aussi chef de chant, du polyvalent Fabián Schofrin à la dramaturgie, à la direction musicale, conseiller musical et linguistique, encore accompagnateur des projets pédagogiques, du guitariste et théorbiste Quito Gato pour les arrangements. Jacopo Raffaele, Adrià Gràcia Gàlvez et Marie Van Rhijn interviennent également à la direction musicale, tout comme Mónica Pustilnik, qui dirige depuis plusieurs mois notre Incoronazione di Poppea en tournée.

Archive | « Pur ti miro », L’incoronazione di Poppea de Monteverdi à l’Opéra royal de Versailles en 2023

Eliogabalo concentre toutes les premières fois : celle de Cappella Mediterranea et de Leonardo García-Alarcón à l’Opéra national de Paris, et en ouverture de saison, celle du comédien et homme de théâtre Thomas Jolly à la mise en scène d’un ouvrage lyrique, celle de l’œuvre sur une scène française et l’entrée de Cavalli au répertoire de l’institution parisienne. Le défi est relevé haut la main, et l’ensemble réinvité trois saisons plus tard par Stéphane Lissner pour étrenner avec Rameau la musique baroque sur la scène de l’Opéra Bastille.

Leonardo García-Alarcón et Thomas Jolly dans les coulisses d’Eliogabalo de Cavalli, Palais Garnier, Opéra national de Paris, septembre 2016

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Septembre 2016, Paris — Grande première pour nous mais aussi pour Eliogabalo, créé en 1667, dernier opéra de Cavalli, qui ne l’a jamais vu représenté de son vivant : la tragédie, donnée de rares fois sur des scènes étrangères, est inédite en France. Il faut dire que Cavalli n’y est guère accueilli en héros en 1660, bien qu’invité par Mazarin à composer un Ercole amante pour les noces de Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche. Lully, premier compositeur à la cour, n’a pas l’intention de prendre ombrage de ce compatriote à la popularité envieuse, et le public, pour qui Cavalli adaptera finalement son Xerse mêlé de danses « à la française », est peu réceptif au genre nouveau de l’opéra comme à la langue italienne. Tout cela est très romanesque mais tout à fait historique.

L’opéra italien et Cavalli trouveront en revanche leur place en Angleterre : Erismena, créé à Venise en 1655 et que nous donnerons à Aix-en-Provence l’été prochain, est probablement le premier opéra à avoir été traduit en anglais et joué en Angleterre en 1673. En témoigne sa partition manuscrite, complète avec le livret anglais, retrouvée en 2008 dans une bibliothèque privée.

Pour revenir à Eliogabalo, l’aventure fut passionnante, nourrie par le dialogue entre Leonardo García-Alarcón et Thomas Jolly, servie par une distribution sensible à cette lecture ramenant à la nature théâtrale de l’ouvrage. Ce furent aussi le charisme de Franco Fagioli dans le rôle-titre et de Nadine Sierra en Flavia Gemmira, de belles retrouvailles avec Valer Barna-Sabadus et Mariana Flores d’Elena, et l’arrivée du Chœur de Chambre de Namur sur notre plateau cavallien.

Archive | Scène finale et saluts d’Eliogabalo de Cavalli à Paris en 2016

La tête dans les nuages de carton d’Il Giasone, les forces instrumentales de Cappella Mediterranea tiennent ferme leur cap vers Cavalli. C’est au Grand Théâtre de Genève que l’ensemble s’illustre dans ce dramma musicale au ton rieur et bouffon, confirmant Valer Barna-Sabadus en premier rôle cavallien. La lecture de Cappella Mediterranea et de Serena Sinigaglia y déverrouille les ressorts comiques et dramatiques de l’ouvrage, réminiscences de sa création au carnaval de Venise en 1649 et de son record de popularité au XVIIᵉ siècle.

(DE GAUCHE À DROITE, PREMIER PLAN) Nicolas Curti, Jacopo Raffaele, Henrikke Rynning, Ariel Rychter, (DEUXIÈME PLAN) Leonardo García-Alarcón, Catherine Plattner, Sue-Ying Koang, Cecilia Knudtsen, Ludovic Thirvaudey, Jeanne Mathieu, Corina Golomoz, Lola Fernández, Rodrigo Calveyra, (TROISIÈME PLAN) Amandine Solano, Fabián Schofrin, Matthias Spaeter, Éric Mathot, Stéphanie de Failly et Girolamo Bottiglieri dans les décors d’Il Giasone de Cavalli, Grand Théâtre de Genève, janvier 2017

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Janvier 2017, Genève — Après la tragédie d’Eliogabalo l’an passé à Paris au Palais Garnier et en préambule à Erismena que nous donnons cet été au Festival d’Aix-en-Provence, Il Giasone, plus grand succès lyrique de son compositeur mais totalement oublié avant d’être redéfendu par René Jacobs à la fin des années 1980, nous permet d’introduire Cavalli au Grand Théâtre de Genève. Après tout, c’est Elena, entendu à Aix en 2013, qui avait convaincu son directeur Tobias Richter d’inviter notre continuo à Genève en février 2016 pour un Alcina de Haendel partagé avec l’Orchestre de la Suisse Romande et le metteur en scène David Bösch. Aujourd’hui, on dit de nous dans la presse que nous sommes les artisans du « retour en grâce » de Cavalli. On salue cette « réjouissante rareté » qu’est Il Giasone, qui sera filmé pour paraître en DVD¹.

Il faut dire que Cavalli offre ici un irrésistible profil comique, prend un ton volontiers burlesque et s’accorde, à un rythme effréné, toutes les libertés avec les divinités de la mythologie. C’est un nouveau rôle-titre pour Valer Barna-Sabadus, une première expérience du répertoire baroque pour le bel cantiste Raúl Giménez et le baryton Willard White, et une occasion en or pour nous comme pour les solistes d’investir le champ festif et coloré de la commedia dell’arte et du carnaval.

1 DVD Alpha Classics, 2017

Archive | Scène finale d’Il Giasone de Cavalli à Genève en 2017

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Avril 2019, Genève — Cavalli a convaincu, une fois de plus, et instauré une relation durable avec le Grand Théâtre de Genève. Nous jouons cependant avec lui la carte de la diversité des répertoires : après un King Arthur de Purcell en 2018 musicalement aménagé par Leonardo et mis en scène par Marcial Di Fonzo Bo, nous revenons avec David McVicar pour Médée de Charpentier.

Improvisée dans les couloirs du château de Versailles, cette photo saisit un moment suspendu entre deux escaliers, dans l’attente du cliché officiel. L’indifférence de la pose et les sourires dissipés trompent l’apprêt des tenues de concert et la sévérité des lignes ; les deux corps échappés du groupe compact ouvrent l’oblique ; la lumière sculpte la scène au naturel. Quel contraste entre l’intimité de l’instant, profondément humain, et le gigantisme de l’espace, minéral et jupitérien.

Cappella Mediterranea dans les couloirs du château de Versailles à l’occasion de la Suite d’Armide, ou Jérusalem délivrée de Philippe d’Orléans, 2 juillet 2023

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Juillet 2023, Versailles — Depuis un premier gala consacré à la musique de Lully à la galerie des Glaces en décembre 2015 – année commémorative des 300 ans de la mort de Louis XIV qui fut prétexte pour nous à une première approche du baroque français –, le château de Versailles, comme les festivals d’Ambronay, d’Aix-en-Provence et de Saint-Denis, les opéras de Dijon et de Nancy, le Grand Théâtre de Genève et le Grand Manège de Namur, fait partie de ces partenaires de confiance qui nous offrent un ancrage solide et un accompagnement essentiel dans notre exploration du répertoire. Dès 2016, la Chapelle royale accueillait nos deux trésors de Falvetti et Carmina latina, 2018 y verrait la reprise d’Il Giasone de Cavalli et la Messe en si mineur de Bach. La même année seraient publiés dans la collection « Château de Versailles Spectacles » nos grands motets¹ de Lully, programme coproduit par le Centre de musique baroque de Versailles et le Centre d’art vocal et de musique ancienne de Namur.

La collaboration avec Château de Versailles Spectacles, devenu label autonome, et son directeur Laurent Brunner nous permettra d’enregistrer en 2021, en pleine pandémie de covid, le premier opéra donné à Paris, en 1645, La finta pazza² de Sacrati ; mais aussi de garder mémoire de notre Incoronazione di Poppea³ partagé avec Ted Huffman. Le mois dernier, nous avons encore enregistré la Suite d’Armide, ou Jérusalem délivrée de Philippe d’Orléans au Grand Manège de Namur, à paraître sous le label versaillais au printemps 2025 quelques mois avant le coffret de notre Atys genevois.

Et puis Versailles, c’est aussi là que Leonardo García-Alarcón fut décoré chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2019 de la main de Catherine Pégard, alors présidente de l’établissement public du château…

1 CD Alpha Classics, 2018 | 2 CD Château de Versailles Spectacles, 2022 | 3 DVD Château de Versailles Spectacles, 2023 | 4 CD Château de Versailles Spectacles, 2025 | 5 CD Château de Versailles Spectacles, 2025

Génération Z

Née en 2005 dans le sillage d’aînés pionniers, Cappella Mediterranea rejoint les hérauts passionnés, exigeants et inspirés du renouveau des musiques baroques. Si elle s’attache à leur redonner souffle et vie par une interprétation historiquement informée, c’est en puisant aussi volontiers, dans l’instantané de la scène comme au miroir de l’enregistrement, à la liberté qu’offre le recul de plusieurs générations ambassadrices des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles.

D’Acis and Galatea à Judas Maccabaeus, en passant par Alcina à Genève, Sémélé à Namur ou le Dixit Dominus au disque, Haendel ouvre une perspective dont les lignes de fuite ramènent aux premières résidences à Ambronay, aux premières interactions, aussi, avec la Belgique. Un temps où Cappella Mediterranea croise ses musiciens et ses productions avec Les Agrémens ou Clematis. La rencontre, autour de Haendel en 2009, de Leonardo García-Alarcón et du Chœur de Chambre de Namur décidera dès l’année suivante du tressage de leurs destinées.

Valerio Contaldo, Cappella Mediterranea et Leonardo García-Alarcón dans Acis and Galatea de Haendel, Opéra royal de Versailles, 31 janvier 2025

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Janvier 2025, Versailles — Haendel a quelque chose de la madeleine de Proust. Cet Acis and Galatea que nous donnons à Versailles, cet enregistrement du Dixit Dominus¹ bientôt disponible, tous ces projets communs avec le Millenium Orchestra fondé par notre chef à Namur font immanquablement resurgir un temps originel. Ce temps de tous les possibles, expérimental, incertain, énergie imbattable, vision claire et convictions esthétiques fortes. Ce temps que croisa un faisceau de soutiens et d’accompagnements inespérés qui nous permit d’envisager un avenir. Les rencontres se muèrent en amitiés stimulantes et fécondes, relations privilégiées grâce auxquelles nous pûmes grandir.

Nous ? Des chanteuses, chanteurs et instrumentistes fréquentés à Genève par Leonardo García-Alarcón au Conservatoire, où il étudiait le clavecin auprès de Christiane Jaccottet, ou dans la proximité de Gabriel Garrido, qui le formait aussi à l’ornementation et lui confia ses premières responsabilités au sein d’Elyma – « véritable creuset alimenté par la diaspora argentine », selon les mots de Leonardo. C’est là qu’il rencontra notamment Alejandro Meerapfel, Mariana Flores, Mónica Pustilnick, Fabián Schofrin, Quito Gato, Andrea De Carlo ou Jorlen Vega García. Les pionniers de Cappella Mediterranea.

Mais ce nous sans Alain Brunet serait impensable. Cappella Mediterranea prit véritablement forme en 2005 lorsque le fondateur du Festival d’Ambronay proposa une résidence à Leonardo, qu’il avait distingué aux côtés de Gabriel Garrido. Puis en 2006 de l’accompagner dans son propre projet, Cappella Mediterranea. Résidences, master classes, concerts et enregistrements. Une reconnaissance inouïe pour nous qui nous nourrissions d’utopie, et surtout un premier nid où éclore et prendre notre envol.

1 CD Ricercar, 2025

Perché dans les hauteurs d’une salle ou d’une église, mobilisé sur scène bien au-delà du chant, gourmand de découverte et de création, le Chœur de Chambre de Namur incarne la part chorale de Cappella Mediterranea et contribue à l’épanouissement de projets ambitieux. Émanation du Centre d’art vocal et de musique ancienne dirigé par Jean-Marie Marchal, le chœur ne se laisse pas seulement entraîner dans l’aventure : il offre aussi, en faisant du Grand Manège de Namur l’un des foyers de Leonardo García-Alarcón, une seconde famille à Cappella Mediterranea.

Le Chœur de Chambre de Namur lors de la création de La Passione di Gesù de Leonardo García-Alarcón, Victoria Hall, Genève, 25 septembre 2022

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Octobre 2025, Namur — Revenons à Haendel. C’est à l’occasion de Judas Maccabaeus, qui réunissait les forces musicales du CAV&MA – le Chœur de Chambre de Namur et Les Agrémens –, que Leonardo García-Alarcón et Jean-Marie Marchal se rencontrèrent à l’automne 2009. Le chœur namurois se cherchait un chef, le projet haendélien scella les destinées : Leonardo serait nommé directeur artistique dès l’année suivante. « C’est un lien sincère et très profond qui s’est créé d’emblée, a rapporté Leonardo, très naturellement, familial, et qui est à la base de la relation très particulière que j’entretiens avec l’ensemble. »

Alors évidemment, nous, Cappella Mediterranea, avons tout de suite bénéficié de ce lien privilégié. Nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes reconnus – une même flexibilité, un même esprit d’aventure, une même délectation de la polyphonie. Une complicité immédiate, une confiance réciproque, une osmose profonde, et déjà nos premiers liens se tissaient entre Suisse, France et Belgique. Nous étions prêts aux projets les plus fous, et ce furent les deux redécouvertes de Falvetti. Puis notre formidable tournée de 2017 en Amérique du Sud et les concerts au Teatro Colón de Buenos Aires ; et encore, l’année suivante, à l’occasion des 30 ans du chœur, les enregistrements des motets et madrigaux d’Arcadelt¹ – l’unique compositeur édité par Monteverdi.

Avec le recul, il est certain que le Chœur de Chambre de Namur est vraiment prêt à tout. C’est bien simple : sur la scène d’opéra, il chante, il danse, il joue la comédie. Et dès que nous arrivons dans un lieu de concert, Leonardo cherche l’endroit improbable d’où il va le faire chanter – à dix mètres de lui ou immergé dans le public. À tel point que les choristes ne voyagent jamais sans leurs propres lampes de pupitre, prêts à s’adapter à toutes les situations !

1 CD Ricercar, 2018

C’est à Ambronay que tout commence. Dès 1997, à l’occasion de la recréation du Ballet comique de la reine, Alain Brunet, directeur du festival, remarque Leonardo García-Alarcón au continuo de l’ensemble Elyma : celui qui vient d’entrer dans la classe de Christiane Jaccottet au Conservatoire de Genève et fait ses premières scènes avec Gabriel Garrido laisse déjà entrevoir la vision singulière d’un chef. La confiance et l’amitié du festival seront immédiates, doublées du soutien instantané d’Anne Geisendorf et Henrik Heegaard. D’Ambronay viendra aussi Henriette Dumas, chargée des productions de la toute jeune Cappella Mediterranea fondée avec l’ami Fabián Schofrin.

(PHOTO 1) Leonardo García-Alarcón, María Hinojosa Montenegro, Matthew Baker, Juan Sancho, Mariana Flores et Fabián Schofrin, (PHOTO 2) Fabián Schofrin, Andrea De Carlo, Leonardo García-Alarcón, Girolamo Bottiglieri et Stéphanie de Failly, (PHOTO 3) Leonardo García-Alarcón, (PHOTO 4) Gustavo Gargiulo, Stéphanie de Failly, Tatiana Babut du Marès, Margaux Blanchard, María Elena Medina, Quito Gato et Liselotte Émery en résidence pour l’enregistrement de motets et madrigaux de Peter Philips, Festival d’Ambronay, abbatiale et cloître de l’abbaye, 2007

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Septembre 2025, Ambronay — Restons en Angleterre avec Peter Philips, émigré à Rome, remontant jusqu’aux Pays-Bas par l’Espagne, la France et la Belgique avant de se fixer à Bruxelles puis de mourir à Anvers. Son style, traversé de tant de voyages, ravissait en 2007 nos âmes d’exilés. Il n’était connu de personne. Notre premier projet professionnel lui serait consacré et réunirait pour la première fois Cappella Mediterranea.

La résidence, le concert et l’enregistrement furent à l’image de notre utopie : une grande exigence musicale, peu de moyens, beaucoup de bonne humeur et l’assurance que Leonardo García-Alarcón pouvait nous emmener très loin. Anne Geisendorf et Henrik Heegaard en furent eux aussi convaincus dès la première rencontre. « Ce n’était pas l’orchestre de Leonardo, témoigne celle qui est aujourd’hui notre marraine, mais des amis musiciens dont une partie appartenait à la diaspora argentine, qui se connaissaient et avaient commencé à travailler ensemble sous forme d’association, et dont l’intérêt tournait autour de la musique méditerranéenne. »

Le couple de mélomanes passionnés devint le premier mécène de notre tout jeune ensemble aux côtés duquel le Festival d’Ambronay s’était engagé. L’accompagnement, le soutien et l’amitié fidèles d’Anne Geisendorf, du Festival d’Ambronay et d’Isabelle Battioni, sa directrice depuis 2021, prolongent notre rêve encore aujourd’hui.

Avec Ambronay Éditions, label du festival, nous enregistrerons sept albums : après Philips¹ viendront Strozzi², Dido and Aeneas³ de Purcell, Il diluvio universale puis Nabucco de Falvetti, Monteverdi-Piazzolla et les Vespro della Beata Vergine de Monteverdi.

1 CD Ambronay Éditions, 2008 | 2 CD Ambronay Éditions, 2009 | 3 CD Ambronay Éditions, 2010 | 4 CD Ambronay Éditions, 2011 | 5 CD Ambronay Éditions, 2013 | 6 CD Ambronay Éditions, 2012 | 7 CD Ambronay Éditions, 2014

Interview | Peter Philips, les premiers concerts et les premiers soutiens de Cappella Mediterranea

Philips, Anglo-flamand exilé à Rome. Romero, Liégeois à la cour d’Espagne. Giorgi, actif à Rome, mort à Lisbonne. Zamponi, auteur italien du premier opéra belge. L’accompagnement des labels engagés Ambronay Éditions et Ricercar de Jérôme Lejeune sera déterminant pour porter la voix méconnue de cette Europe musicale baignée par la Méditerranée du nord au sud. Grâce à eux, Cappella Mediterranea défend dès ses premiers enregistrements des choix atypiques et exigeants, dont plusieurs partagés avec l’ensemble Clematis.

Leonardo García-Alarcón dirigeant Ulisse all’isola di Circe de Zamponi, Maison de la Radio, Flagey, Studio 4, Bruxelles, 29 avril 2006

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Février 2012, Liège — Dernière séance d’enregistrement, et bientôt l’Ulisse all’isola di Circe de Zamponi existera en disque, six ans après sa résurrection à la Maison de la Radio de Bruxelles sous la direction de Leonardo García-Alarcón. Ces années-là, son chemin avait croisé, par l’intermédiaire d’Elyma et du Conservatoire de Genève, celui de la violoniste Stéphanie de Failly, fondatrice de l’ensemble Clematis. Pressentant son intérêt, elle lui avait présenté cet ouvrage de style vénitien totalement méconnu dont elle avait retrouvé trace à Vienne. Premier opéra joué en Belgique à l’occasion des noces de Philippe IV d’Espagne et Marie-Anne d’Autriche, signature de l’entrée de Leonardo dans le monde de l’opéra, Ulisse fut aussi le premier de plusieurs projets communs que nous allions concrétiser avec Clematis, Stéphanie de Failly partageant son violon entre son ensemble et Cappella Mediterranea.

C’est encore elle qui introduisit Leonardo auprès de Jérôme Lejeune, fondateur du label Ricercar pour lequel enregistrait Clematis, qui à son tour lui présenta Jean-Marie Marchal, directeur du Centre d’art vocal et de musique ancienne de Namur. Deux figures amies avec lesquelles nous partageons désormais notre route.

Plusieurs albums témoignent de notre amitié fidèle avec Clematis et de notre goût pour le XVIIᵉ siècle méditerranéen : Romero¹, Giorgi² et Carmina latina³ ont précédé l’album Zamponi, et déjà s’annoncent pour 2014 les enregistrements des programmes Heroines of the Venetian Baroque et Cipriano de Rore.

1 CD Ricercar, 2010 | 2 CD Ricercar, 2011 | 3 CD Ricercar, 2013 | 4 CD Ricercar, 2014 | 5 CD Ricercar, 2015 | 6 CD Ricercar, 2015

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Avril 2025, Namur — Notre aventure se poursuit avec Ricercar, toujours ouvert à toutes nos découvertes. Notre album Haendel/Colonna paru ce mois-ci est le onzième volume de notre discographie développée avec le label, dans laquelle figure aussi le DVD d’Elena de Cavalli.

7 CD Ricercar, 2025 | 8 CD Ricercar, 2013

Une maison à soi

Cappella Mediterranea a toujours aimé cultiver des liens forts et durables sur ses terres d’élection, à y faire germer ses racines latino-américaines. De la maison-mère d’Ambronay à La Cité Bleue, sa nouvelle résidence à Genève, en passant par le Grand Manège de Namur et l’Opéra de Dijon, l’ensemble se projette aujourd’hui dans un port d’attache pluriel à la mesure de ses rêves, arc tendu entre ses trois pays d’adoption : Suisse, France et Belgique.

C’est à l’Opéra de Dijon, où elle élit domicile en 2017, que Cappella Mediterranea trouve refuge durant la pandémie de covid pour continuer à assumer sa vie d’ensemble, sa passion de restaurateur et son rôle de passeur. La recréation, en décembre 2020, d’Il palazzo incantato de Rossi, que Leonardo García-Alarcón découvrait à la bibliothèque du Vatican dès 1999, rattrape la réalité : l’Opéra de Dijon devient le « palais enchanté » dans lequel est travaillée à huis clos la mise en scène de Fabrice Murgia, puis la production filmée pour être diffusée.

Deanna Breiwick, Mariana Flores et Leonardo García-Alarcón lors de la captation d’Il palazzo incantato de Rossi, Opéra de Dijon, 5 novembre 2020

Carnet de bord

Novembre 2020, Dijon — Le monde avance masqué, l’épidémie de covid n’épargne aucun pays. Depuis presque un an, l’incertitude et les confinements paralysent notre activité. Nous traversons cette période épaulés de partenaires forts, qui continuent à nous faire confiance. L’Opéra de Dijon, notre maison depuis septembre 2017, nous offre la chance inouïe de garder le lien avec les artistes, le public et les projets. Dès le mois de mai, il nous a sollicités pour son festival Artistes en résidence | en résistance, qui propose des concerts accessibles en streaming sur son site Internet et ses réseaux sociaux, certains relayés par France Musique.

Ferme dans sa politique de découverte qui nous a déjà permis de recréer El Prometeo de Draghi en 2018 et La finta pazza de Sacrati en 2019, la direction maintient également notre recréation de l’opéra de Rossi : Il palazzo incantato sera filmé et diffusé le 11 décembre. Rien n’est évidemment comme d’habitude, ni nos répétitions placées sous haute sécurité sanitaire ni la proposition de Fabrice Murgia, qui a décidé d’assimiler sa mise en scène au processus filmique afin de faire de cette production non pas une simple captation mais une grande fresque cinématographique.

L’ouvrage résonne curieusement – métaphoriquement – avec le contexte de solitude et d’enfermement dans lequel nous vivons. Mais nous sommes réconfortés à l’idée que cette partition que personne ne connaît va pouvoir retrouver des oreilles, un public. Une partition comparable à peu d’autres de son temps, de la plume d’un compositeur qui admirait Monteverdi au point de recopier ses partitions et dont Leonardo avait la restitution en tête depuis plus de dix ans !

Archive | « Di Cupido entro alla regia », Il palazzo incantato de Rossi filmé à Dijon en 2020

Les trois saisons à demeure à l’Opéra de Dijon, alors dirigé par Laurent Joyeux, donnent à Cappella Mediterranea le goût et la force de liens durables. Si elle peut partager ses découvertes et tisser une relation de proximité avec un public qui lui est depuis resté fidèle, elle développe aussi un travail de transmission au long cours auprès des plus jeunes et crée des attaches solides avec l’institution, qui s’engagera par la suite dans des projets hors de ses murs et du calendrier de résidence.

(DE FACE, DE GAUCHE À DROITE) Quito Gato, Cathérine Dörücü Renno, Leonardo García-Alarcón, Mélanie Flahaut et Israel Golani en répétition d’Il dono della vita eterna de Draghi, Auditorium de Dijon, 30 mai 2023

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Mai 2023, Dijon — Même si notre résidence à l’Opéra de Dijon est terminée, les liens que nous y avons tressés avec l’équipe et le public perdurent. Nous y voici aujourd’hui pour répéter un oratorio de Draghi, un compositeur que Dijon connaît depuis la résurrection d’El Prometeo et son enregistrement¹ en juin 2018. Après sa recréation dans la capitale bourguignonne, nous donnerons Il dono della vita eterna dans plusieurs de nos lieux de prédilection, Namur, Tourcoing, Versailles, Ambronay.

Les répétitions ouvertes au jeune public rappellent combien l’action pédagogique a toujours été inscrite au cœur de notre projet : week-ends de master classes dès 2008 avec les élèves du Conservatoire à rayonnement départemental de Bourg-en-Bresse par l’intermédiaire du Festival d’Ambronay, programme pédagogique animé par Fabián Schofrin avec les élèves du collège Jacques-Prévert de Saint-Genis-Pouilly durant trois années scolaires, rencontres, présentations d’instruments et répétitions publiques en Haute-Savoie mais aussi à l’Opéra de Dijon à partir de 2018, résidence pédagogique à l’invitation du Festival de Saint-Denis sur plusieurs saisons, projet pédagogique et participatif développé avec le Grand Théâtre de Genève et le Théâtre de Carouge en 2022, sans compter les concerts dans les centres sociaux, les écoles, les écoles de musique et conservatoires.

Et nous avons décliné toute une série de programmes conçus pour et parfois avec le jeune public, qui sont toujours l’occasion pour nous d’un partage unique : Le regard éloigné, Les Indes galantes et la croisée des mondes, Piccolo Nabucco, María de Buenos Aires, Rejoice, Bach & Haendel, Du tango dans mes valises, Alla spagnola, Sur les pas de Sigismondo d’India, La folie entre à l’opéra, King Arthur et la pop rock anglaise ou encore Les péchés capitaux et Monteverdi.

1 CD Alpha Classics, 2020

Il aura fallu dix ans et une pandémie mondiale pour que Rebirth émerge du silence. Le projet datait de 2009, né de la rencontre de Sonya Yoncheva avec Leonardo García-Alarcón, tous deux étudiants au Conservatoire de Genève, autour de L’incoronazione di Poppea de Monteverdi. Lui à la direction, elle dans le rôle-titre. Élaboré avec la spontanéité et l’éclectisme d’un jeu de ping-pong musical, partagé dans l’intimité de Cappella Mediterranea, ce dialogue teinté d’espoir de « renaissance » témoigne des vertus de l’art à se renouveler.

Sonya Yoncheva et Leonardo García-Alarcón lors de l’enregistrement de l’album Rebirth, Salle de musique, La Chaux-de-Fonds, 24-28 juin 2020

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Juin 2020, La Chaux-de-Fonds — Le confinement de ce printemps nous permet au moins de « faire émerger du silence » un projet qui avait été envisagé par Sonya Yoncheva et Leonardo García-Alarcón lors de leur rencontre en 1999. Cappella Mediterranea n’existait pas encore, mais l’esprit de découverte et de métissage étaient déjà là dans ce croisement d’airs d’opéras du XVIIᵉ siècle, de chansons traditionnelles et pop. Élaboré par rebond d’une pièce à l’autre, il traduit l’espoir de la soprano d’un « après » retrouvé et réinventé dans la musique.

Septembre 2020, Cordon — Année de covid et de chaos. Nous la mettons à profit d’enregistrements dont les parutions s’échelonneront l’année prochaine : Rebirth¹, mais aussi Lamenti e sospiri² de Sigismondo d’India, et encore Bach Before Bach³ avec la violoniste Chouchane Siranossian et notre version, enfin, de L’Orfeo de Monteverdi.

1 CD Sony Classical, 2021 | 2 CD Ricercar, 2021 | 3 CD Alpha Classics, 2021 | 4 CD Alpha Classics, 2021

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Novembre 2021, Milan — Entre deux confinements, nous avons pu donner le programme Rebirth avec Sonya Yoncheva à Salzbourg en août 2020 et assurer les concerts programmés cet automne à Genève et Barcelone. Nous avons terminé par la Scala de Milan, sauvés in extremis par Mónica Pustilnik : c’est elle qui nous a dirigés, remplaçant de façon magistrale Leonardo testé positif au covid. À l’orgue et au clavecin, sans pour autant négliger la guitare et l’archiluth. Nous ne saurons jamais dans quelle loge notre chef a été enfermé le soir du concert. Et si son nom figure sur l’affiche, il n’aura pas mis un pied sur la scène de concert !

Archive | No hay que decirle el primor par Sonya Yoncheva, Cappella Mediterranea et Leonardo García-Alarcón au Festival de Salzbourg 2020

Accueillie comme chez elle à Ambronay, à Namur ou à Dijon, Cappella Mediterranea songeait évidemment à recevoir un jour à son tour. En mars 2024, La Musica lance depuis la scène l’invitation à bras ouverts, au public, aux artistes. La Cité Bleue, projet mûri dès 2018, salle confiée à la direction de Leonardo García-Alarcón en 2021 et inaugurée en 2024 avec L’Orfeo de Monteverdi, « place les musiciens au centre de leur utopie ». Cappella Mediterranea, en résidence, y trouve le laboratoire idéal « pour rêver, imaginer, construire et créer », ancré dans la ville, ancré dans la vie.

Mariana Flores et Cappella Mediterranea dans L’Orfeo de Monteverdi lors de l’inauguration de La Cité Bleue, Genève, 9 mars 2024

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Mars 2024, Genève — Et voilà, nous y sommes. Après plusieurs années de préparatifs, La Cité Bleue est notre maison à nous, d’où partager la magie du concert, transmettre et multiplier, provoquer de nouvelles rencontres. Voir encore plus loin.

Une maison, c’est la stabilité pour nous, et en même temps une nouvelle impulsion pour travailler et créer. Poser nos instruments, répéter et jouer dans une salle à l’environnement sonore exceptionnel quels que soient les répertoires et les effectifs, enregistrer, développer des initiatives avec nos autres foyers, qui si souvent nous ont invités. Consolider cet axe entre la Suisse, la France et la Belgique, que nous construisons et qui nous construit depuis vingt ans.

Notre maison, c’est un lieu de vie où accueillir et faire découvrir d’autres voix que la nôtre, tout au long d’une saison. « Un terrain vierge appelé à se nourrir de toutes les musiques », comme la présente Leonardo García-Alarcón, ces musiques qui questionnent le monde et les artistes d’aujourd’hui. C’est aussi un projet artistique qui nous permet d’être acteur et moteur différemment, dans la proximité.

Alors après l’inauguration hier avec L’Orfeo de Monteverdi, nous nous réjouissons de délaisser un instant le format habituel du concert pour transformer tous les espaces de La Cité Bleue en scènes improvisées et offrir un véritable festin de musiques, copieux, savoureux, convivial, artistes et public à la même table. Un grand repas de famille.

Archive | Présentation du projet de La Cité Bleue par Leonardo García-Alarcón

Inspiré par la résonance entre l’Évangile apocryphe de Judas retrouvé en 1976 et la nouvelle Trois Versions de Judas de Jorge Luis Borges, Leonardo García-Alarcón réinvestit avec le librettiste Marco Sabbatini la forme de la Passion, fréquentée avec Bach ou Scarlatti depuis des années. À la croisée du grandiose et de l’intime, du drame christique et de la fragile humanité, cette Passione di Gesù – enregistrement publié à Pâques 2026 par le label Alpha Classics – sonne à la fois hommage érudit et manifeste esthétique. Diffractant les codes et les repères, ouvrant une nouvelle ère de Cappella Mediterranea.

(DE GAUCHE À DROITE) Mark Milhofer, Ana Quintans, Leonardo García-Alarcón, Julie Roset, Mariana Flores, Andreas Wolf et Victor Sicard lors de la création de La Passione di Gesù de Leonardo García-Alarcón, Victoria Hall, Genève, 25 septembre 2022

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Octobre 2025, Paris — Comment imaginer que nous aurions un jour à notre répertoire un oratorio écrit sur mesure, pour nous et par celui qui nous connaît et nous comprend le mieux ? Une œuvre miroir de toutes les musiques, de toutes les langues qui nous animent depuis tant d’années, de tous les chemins empruntés, de notre mixité d’instruments d’hier et d’aujourd’hui, de notre âme argentine ? Un labyrinthe musical puisant à nos racines et les faisant exploser ?

Le troisième acte d’El Prometeo¹ de Draghi, composé en 2018 par Leonardo García-Alarcón pour achever la partition, avait déjà ouvert la voie. Sa Passione di Gesù² élargit nos horizons. Car comment imaginer, encore, que le Chœur et l’Orchestre Philharmonique de Radio France la reprendraient trois ans après sa création et se l’approprieraient en concert ? Ce soir, sous la direction de Leonardo, trois extraits dialoguent avec le Requiem de Mozart, pareillement traversés par les voix de Mariana Flores, Giuseppina Bridelli, Valerio Contaldo et Andreas Wolf.

Cette « rencontre fantasmée entre Bach et Borges, l’Argentine, le tango, le bandonéon » est assurément l’une de ces aventures qui nous portent loin, qui nous poussent à nous dépasser et nous dépasseront peut-être demain. C’est ainsi que nous avançons, l’histoire est loin d’être terminée. Il reste tant de chemins à croiser, de mers à relier, de pages à écrire.

1 CD Alpha Classics, 2020 | 2 CD Alpha Classics, 2026

Ils font tous, elles font toutes Cappella Mediterranea :
1 – Stéphanie de Failly, 2 – Ronald Martin Alonso, 3 – Marie Bournisien, 4 – Pablo Agudo Lopez, 5 – Mélanie Flahaut, 6 – Yves Ytier, 7 – Sophie Junker, 8 – William Sabatier, 9 – Anna Reinhold, 10 – Matteo Bellotto, 11 – Diana Vinagre, 12 – Mónica Pustilnik, 13 – Adrià Gràcia Gàlvez, 14 – Quito Gato, 15 – Florence Malgoire, 16 – Amandine Solano, 17 – Ariel Rychter, 18 – Girolamo Bottiglieri, 19 – Céline Scheen, 20 – Jorlen Vega Garcia, 21 – Jérôme Vavasseur, 22 – Jeanne Mathieu, 23 – Karolina Pływaczewska, 24 – Andreas Wolf, 25 – Keyvan Chemirani, 26 – Laura Corolla, 27 – Valerio Contaldo, 28 – Leandro Marziotte, 29 – Alejandro Meerapfel, 30 – Pierre Vallet, 31 – Julie Roset, Mariana Flores et Ana Quintans, 32 – Fabián Schofrin, 33 – Marie Van Rhijn, 34 – Florestan Darbellay, 35 – Rodrigo Calveyra, 36 – Eric Mathot, 37 – Gustavo Gargiulo, 38 – Thomas Dunford, 39 – Matthias Vidal et Salvo Vitale, 40 – Gwendoline Blondeel, 41 – Oleguer Aymamí Busqué, 42 – Jacopo Raffaele, 43 – Marina Bonetti, 44 – Romain Lecuyer, 45 – Ana Vieira Leite, 46 – Catherine Plattner, 47 – Margaux Blanchard, 48 – Laura Agut et Jean-Noël Gamet, 49 – Lucía Martín-Cartón, 50 – Teodoro Baù, 51 – Mark Milhofer, 52 – Magali Arnault, 53 – Alfia Bakieva, 54 – Matthew Newlin, 55 – Giuseppina Bridelli, 56 – Cindy Favre-Victoire, Maud Bessard-Morandas et Amélie Renglet, 57 – Caroline Weynant, 58 – Valerio Contaldo, 59 – Fabio Trümpy, 60 – Laurent Sauron

Cette liste se veut la plus complète possible, mais ne saurait être exhaustive.

CRÉDITS ET REMERCIEMENTS

Commissariat de l’exposition et rédaction des textes — Claire Boisteau,
avec la complicité de François de Maleissye et de Cécile Delloye pour nourrir ses recherches.

Photographies du parcours numérique — Gilles Abegg, Patrick Berger, Pieter Claes, Julien Condemine, Pierre Duclos, Mathilde Fasso, Christophe Fillieule, Franck Freville, Olivier Lauriot dit Prévost, François de Maleissye, José Pazos, Bertrand Pichène, Richard Hubert Smith, Alexandra Syskova et Bernd Uhlig.

Réalisation — François de Maleissye et Pierre Redoules.

Développement de la page (mécénat de compétences) — Synapsys

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Leonardo García-Alarcón et toute l’équipe de Cappella Mediterranea remercient

Henriette Dumas, Stéphanie de Failly, Quito Gato, Anne Geisendorf, Jacques Henry, Fabián Schofrin et Julie Robert, qui ont permis de réunir le matériel d’archives et mille anecdotes ;

Claire Baudo, François Ewald, Françoise Haeberlin, Caroline Rilliet et Olivier Schneider pour leur relecture attentive ;

Franck Donnersberg, Margaret et Christian Hureau, Brigitte Lescure et Caroline Rilliet, dont le généreux soutien a permis au projet de cette exposition de se concrétiser ;

Maud Balizet, Claire Baudo, Charlotte Blin, Bruno et Isabelle Calbry, Véronique et Aldo Cardoso, Zbigniew Chmiel, Cécile Delloye, Anne-Marie Evrad, Christine Favez Ritter, Daniel Gall, Jacques et Françoise Haeberlin, Alysse Hallali, Éric et Élisabeth Leroy, Brigitte Lescure, Anne-Sophie Montagné, Anne et Philippe Rahms, Josiane Racine Stamm, Caroline Rilliet, Fabián Schofrin, Olivier Schneider, Magali Sat-Redoules, Christel Sniter et Jean-Jacques Solano pour leur participation à la campagne de financement sur la plateforme Ulule.

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Cappella Mediterranea est ce qu’elle est grâce à la confiance et à la générosité de nombreux mécènes d’hier et d’aujourd’hui. Nous remercions entre autres :

Anne Geisendorf, la Fondation Orange, la Caisse d’Épargne Rhône-Alpes, le ministère de la Culture – DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, la Ville de Genève, la Fondation Leenaards, la Fondation d’entreprise AG2R pour la vitalité artistique, le Centre National de la Musique, une fondation privée genevoise, une fondation familiale suisse, la Fondation Paul-Édouard Piguet, l’Institut Français, Aline Foriel-Detezet, Christian et Margaret Hureau, Brigitte Lescure, Hugues et Emma Lavandier, Vincent Meyer, le Cercle des Amis et le Cercle des Entrepreneurs avec Diot-Siaci, Chatillon Architectes, Synapsys, Quinten, Champagne de Venoge et 400 Partners.

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Enfin nous remercions nos partenaires qui accueillent cette exposition nomade tout au long de notre saison anniversaire 2025-2026, en particulier :

Isabelle Battioni, Pierre Bornachot et Alain Brunet du Centre culturel de rencontre d’Ambronay,
Jean-Marie Marchal, Patricia Wilenski et Audrey Taieb du Grand Manège de Namur,
Câline Yamakawa, Iddo Bar-Shai et Laurent Cools des Coups de cœur à Chantilly,
Laurent Brunner et Sylvie Hamard de Château de Versailles Spectacles.