« Cessez vos larmes et vos prières
Car les larmes et les prières sont dispersées par le vent. »
Extrait du Palais Enchanté
Si l’Orfeo de Luigi Rossi, qui a eu une importance historique capitale dans le développement de l’opéra en France au XVIIe siècle, a fait l’objet de quelques mises en scène, ce n’est pas le cas de sa première – et seule autre – œuvre lyrique, Il Palazzo incantato, créée à Rome en février 1642. Cette production que Leonardo García Alarcón et Fabrice Murgia offriront à Dijon sera aussi précieuse que la récente Finta Pazza.
Une œuvre massive – 16 solistes, des doubles et triples chœurs de 6 et 12 voix, de nombreux ballets, et sept heures de spectacle pour la première ! Il Palazzo marque la dernière flamboyance de l’opéra tel que pratiqué à Rome avant que la Ville éternelle ne tourne le dos au genre. Le livret, écrit par le cardinal Rospigliosi, qui deviendra plus tard le pape Clément IX, est la première adaptation de l’Orlando furioso de l’Arioste, un chef-d’œuvre de la poésie italienne qui a une longue histoire lyrique. Avec des chanteurs, des acteurs, des acrobates et des danseurs, Fabrice Murgia fait de ce chef-d’œuvre une célébration festive de l’art total.
Palazzo Incantato, Azione in musica (action en musique)
En trois actes avec le prologue
Musique – Luigi Rossi
Livret – Giulio Rospigliosi (futur Pape Clément IX) d’après Orlando furioso de l’Arioste
Créé Au Teatro delle Quattro Fontane Palazzo Barberini, Rome, le 22 février 1642
Nouvelle production de l’opéra de Dijon
Spectacle en italien, surtitre en Français
Victor Sicard, baryton – Orlando
Arianna Vendittelli, soprano – Angelica
Fabio Trümpy, ténor – Ruggiero
Deanna Breiwick, soprano – Bradamante / La peinture
Mark Milhofer, ténor – Atlante
Lucía Martín-Cartón , soprano – Olympia / La Musique
Mariana Flores, soprano – Marfisa / La Magie / Doralice
Grigory Soloviov, basse – Gigante / Sacripante / Gradasso
Kacper Szelążek, contre-ténor – Prasildo / Le nain
André Lacerda, ténor – Aleceste
Valerio Contaldo, ténor – Ferrau / Astolfo
Gwendoline Blondeel, soprano – Fiordiligi / La Poésie
Alexander Miminoshvili, baryton-basse – Mandricardo
Fabrice Murgia, mise en scène
Vincent Lemaire, décors
Clara Peluffo Valentini, costumes
Giacinto Caponio, vidéo
Emily Brassier | Giacinto Capanio, lumières
Cappella Mediterranea
Chœur de l’Opéra de Dijon
Chœur de chambre de Namur
Leonardo García Alarcón, direction musicale
Ensemble & Artistes en résidence
RM : Pourquoi avoir choisi cet ouvrage monumental pour le faire revivre sur scène ?
LGA : Il me semble très important de connaître Il Palazzo Incantato parce que l’œuvre de Luigi Rossi occupe une place conséquente dans l’histoire de la musique, pas seulement au sein de la musique romaine ou de la musique italienne, mais aussi dans l’histoire de l’opéra français. En effet, en 1646, on lui commande l’Orfeo qui va devenir la première commande d’un opéra en France. Il s’agit d’un grand compositeur qui avait une grande admiration pour l’œuvre de Claudio Monteverdi ; on garde même des copies de plusieurs pièces de Claudio Monteverdi de la main de Luigi Rossi. J’ai pensé que c’était nécessaire, notamment d’un point de vue historique, de mettre en lumière ce compositeur et cette œuvre composée en 1642, quelques mois plus tôt que l’Incoronazione di Poppea de Claudio Monteverdi composée la même année à Venise.
RM : Si vous aviez à présenter l’ouvrage en quelques mots…
LGA : L’histoire nous rappelle le combat entre Tancrède et Clorinde. Le magicien Atlante, protecteur du Sarrasin Ruggiero, cherche à le protéger de son amour envers la chrétienne Bradamante, en construisant un palais enchanté où seront englouties toutes les personnes s’en approchant. Ce palais est une sorte de sédatif des désirs, un sédatif de l’âme. Finalement, beaucoup d’amour et beaucoup de couples sont absorbés par ce palais, générant de fait plusieurs histoires parallèles. Mais Atlante n’empêchera pas la rencontre entre Ruggiero et Bradamante, celui-ci devenant même le miroir de celui qu’il souhaite protéger d’un amour interdit, comme une sorte d’hologramme. Bradamante va entendre chanter ainsi deux Ruggiero, sans savoir lequel est le vrai. C’est pour cette raison que ce palais enchanté est d’une certaine façon, le miroir de nos vies, avec le fait de ne pas savoir si cette vie est vraiment notre vie ou bien si nous sommes en train d’être rêvé par quelqu’un d’autre. Mais le plus important dans tout cela est que la réalité, le désir, et l’amour, ne peuvent pas être arrêtés, même par un magicien de la puissance d’Atlante.
RM : Et si vous aviez à retracer brièvement l’aventure de cette nouvelle production ?
[…] La vidéo, dans ce spectacle, joue un rôle très important. C’est une sorte de quatrième dimension, une dimension à part car les personnages, même à l’intérieur du palais, sont filmés ; de cette manière, on vit une réalité qui est celle de la scène. Une autre réalité se superpose : celle qui se passe à l’intérieur du palais et qui est reflété dans un écrin avec deux cadreurs qui filment de manière presque permanente les personnages. C’est d’une richesse telle qu’on a été inspiré comme s’il s’agissait d’un décor d’opéra, un décor émotionnel alimenté par les visages des chanteurs qui expriment les émotions les plus intenses
« Mais ce projet quasi pharaonique reste un couronnement. Celui d’une passionnante trilogie d’opéras baroques ressuscités, d’autant plus rares que leurs compositeurs italiens étaient jusqu’alors en purgatoire. C’est ainsi qu’après le double succès d’El Prometeo, d’Antonio Draghi, en 2018 (sur un livret espagnol), puis de La Finta Pazza, de Francesco Sacrati, en 2019, le talentueux Leonardo Garcia Alarcon, en résidence dans la capitale bourguignonne avec son ensemble Cappella mediterranea, nous offre ce Palazzo incantato jamais revu sur scène depuis sa création romaine, en février 1642 au Teatro delle Quattro Fontane, Palazzo Barberini. L’aboutissement d’un rêve caressé depuis vingt ans pour le claveciniste et chef d’orchestre argentin, tombé par hasard – et en arrêt – devant la partition manuscrite du chef-d’œuvre à la Bibliothèque du Vatican, en 1999. »
Par Marie-Aude Roux pour Le Monde
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« La musique de Rossi, qui s’épanouira plus encore dans son Orfeo créé à Paris en 1647, ne cesse de surprendre par sa richesse inventive, la qualité des ensembles et des parties chorales particulièrement ardues, la relative brièveté des airs et plus encore par la puissance expressive des ensembles. L’enthousiasme avéré de Leonardo García-Alarcón pour les partitions anciennes ne cesse de s’affirmer et surtout de se renouveler. A la tête de son impeccable et chaleureux ensemble Cappella Mediterranea, le chef d’orchestre livre une interprétation constamment mélodieuse, toute empreinte de sensibilité, de rayonnement et plus encore d’absolue conviction. Il confère ainsi au Palais enchanté de Luigi Rossi ses lettres de noblesse. »
Par José Pons pour Olyrix
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« Cette fureur de vivre, cette urgence à créer, Fabrice Murgia les ressent profondément dans Le Palais enchanté : comme s’il s’agissait de raconter une dernière fois le monde. Ce metteur en scène belge – qui se définit comme un enfant de Brecht et de Spielberg – excelle dans l’art de la vidéo live qui déstabilise notre perception du réel. Il situe sa mise en scène dans des lieux de solitude de notre mythologie contemporaine – aéroport, hôpital, chambre d’hôtel, parloir… – où viennent se perdre les âmes errantes du palais d’Atlante. En étroite collaboration avec Leonardo García Alarcón, il réveille les fragments de cet opéra qui ont traversé le temps pour en libérer toute la force dramatique. »
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