« Plusieurs fois, durant la lecture des manuscrits, j’ai imaginé la figure de Barbara Strozzi, élève de Cavalli pour la composition et le chant, qui assista, dans les différents théâtres de Venise, année après année, à chaque mélodrame mis en musique par son maître. J’ai stimulé mon imagination au point de pressentir que la forme de notre récital pourrait suggérer ou évoquer un hypothétique hommage de divers membres des académies vénitiennes rendu à Cavalli à l’occasion de sa mort en 1676. »
Leonardo García-Alarcón
C’est l’ère romantique qui relégua dans l’ombre les femmes artistes. Dès la fin de la Renaissance, les palazzi italiens de Florence, puis de Venise, avaient vu fleurir les talents féminins dans l’écriture poétique et musicale. Si l’éducation des filles n’était pas toujours aussi soignée que celle des garçons, les plus favorisées d’entre elles n’éprouvaient pas de difficultés majeures à être reconnues en tant que créatrices. Le concert se déroulait alors davantage au salon qu’au théâtre, scène dont les enjeux moraux et politiques se révèleraient moins propices à l’émancipation des femmes. C’est pourtant le père de l’opéra vénitien, Francesco Cavalli, qui forma les deux musiciennes ici à l’honneur, Barbara Strozzi et Antonia Bembo. Les madrigaux de la première s’inscrivent au sommet de l’histoire du genre, par l’extraordinaire puissance expressive du texte et de l’harmonie. La seconde éblouit par une virtuosité toute italienne et séduit par son élégance très française ; fuyant la maltraitance conjugale, révolte rare en ce temps, elle finit d’ailleurs ses jours à Paris, où le premier à reconnaître son talent ne fut autre que Louis XIV.
Francesco Cavalli — « Mira questi due lumi » (extrait de Le nozze di Teti e di Peleo)
Antonia Bembo — « M’ingannasti in verità » (extait des Produzioni armoniche consacrate a Luigi XIV)
Francesco Cavalli — « Dimmi, Amor, che farò » (extrait de L’Oristeo)
Biagio Marini — La Romanesca
Barbara Strozzi — Lagrime mie
Francesco Cavalli — « Sinfonia della Notte » (extrait de L’Egisto)
Barbara Strozzi — Che si può fare
Tarquinio Merula — Aria sopra la cieccona
Barbara Strozzi — L’amante segreto
Barbara Strozzi — È pazzo il mio core
Dario Castello — « Sonata seconda a soprano solo » (extrait des Sonate concertate in stil moderno, libro secondo)
Francesco Cavalli — « E vuol dunque Ciprigna » (extrait de Ercole Amante)
Durée : environ 70 minutes
Mariana Flores, soprano
Rodrigo Calveyra, flûte à bec et cornet
Marina Bonetti, harpe
Teodoro Baù, viole de gambe
Marc Wolff, archiluth
Quito Gato, théorbe, guitare
Leonardo García-Alarcón, clavecin, orgue et direction
On revit : musique à l’Inter
« Le Donne di Cavalli désignent dans ce projet 2 compositrices de Venise du 17ème s. Antonia Bembo et Barbara Strozzi. Francesco Cavalli fut leur maître. Six instrumentistes et Mariana Flores, voix, ont enchanté le public. Marini, Bertoli, Cavalli essaiment, en intermède, l’invention harmonique infatigable, tour à tour, aux flûtes, harpe, gambe, archiluth, théorbe, orgue, muselar… «
Paul Flückiger pour Le Quotidien Jurassien
Qui aurait pu concevoir, il y a cinq ans à peine, une soirée exclusivement dévolue à des extraits d’ouvrages de Cavalli ? Ce qui serait banal avec Purcell ou Haendel – sinon avec Monteverdi –, devient, en l’occurrence, un événement en soi, mais aussi la réalisation d’un rêve pour ses admirateurs, d’autant qu’au plaisir de retrouver des pages aimées, voire plus familières (Il Giasone, L’Ercole amante, La Calisto, Il Rapimento d’Elena…), se mêle, évidemment, celui de la découverte. Le florilège, chronologique et magistralement assemblé par Leonardo Garcia Alarcón, consacre la formidable plasticité expressive du langage de Cavalli.
Bernard Schreuders pour ForumOpera
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